Portrait de Fernande Olivier

Van Dongen Portrait de Fernande Olivier

Van Dongen Kees

(Delfshaven (Rotterdam, Pays-Bas), 1877 – Monaco, 1968)
Portrait de Fernande Olivier, 1907
Huile sur carton
39 × 35 cm
Inv. 39.1.5

 

LOCALISATION

Attiré dès son plus jeune âge par le dessin, Kees Van Dongen se forme à l’Académie des arts et des sciences de sa ville natale, Rotterdam, de 1892 à 1897. Son premier séjour à Paris est synonyme de misère matérielle, mais le jeune artiste est remarqué en 1898 par le critique Félix Fénéon (1861-1944), qui devient son fidèle défenseur. Installé à Montmartre à partir de 1899, il vit d’illustrations pour les journaux satiriques, et se fait connaître par ses descriptions des milieux interlopes. Il trouve alors ses modèles dans les fêtes foraines, sur le boulevard de Clichy, peint la vie nocturne des music-halls, la prostitution, les forains du cirque Medrano. 

L’année 1904 est celle de ses grands débuts : Salon des indépendants, parrainé par Paul Signac et Maximilien Luce, Salon d’automne, et première exposition personnelle chez le marchand Ambroise Vollard (1866-1939). L’année suivante, il est bien entendu présent dans la « cage aux fauves » au Salon d’automne, avec deux tableaux. Après être passée par une phase pointilliste, sa touche grasse et large est désormais au service d’une palette extrêmement colorée.

Averti qu’un atelier se libère au Bateau-Lavoir, il s’y établit en 1906 avec sa femme et sa fille dans des conditions précaires. Son voisin est Pablo Picasso, qui vit alors avec une modèle, Amélie Lang, dite Fernande Olivier (1881-1966). Ayant fui un mari brutal, la jeune femme trouve refuge dans la bohème artistique où, sous un nom d’emprunt, elle est la compagne de Picasso de 1904 à 1911. Si elle prête son visage énergique aux décompositions de Picasso, alors en pleine recherche cubiste, elle est également le principal modèle de Van Dongen entre 1905 et 1907. On la reconnaît par ailleurs dans un portrait de groupe de Marie Laurencin, aux côtés de Picasso et de Guillaume Apollinaire.

 

Les portraits de Fernande Olivier par Van Dongen révèlent la place singulière qu’occupe l’artiste dans le contexte des avant-gardes, et la rapidité de son évolution dans ces années charnières. Là où le premier portrait en buste de 1905 (Paris, collection particulière) se signale par un traitement simplifié du visage, un cerne de noir tournant autour du corps, et la juxtaposition de couleurs stridentes, le portrait du musée Fabre est tout entier modelé en demi-pâte et transparences, mariant les couleurs les plus vives au sein d’un cadre resserré.

Cette unité formelle retrouvée le distingue d’Henri Matisse, qui, dans le Portrait de Madame Matisse (Copenhague, Statens Museum for Kunst), avait utilisé cette singulière couleur verte pour traiter l’ombre du nez et de l’arcade sourcilière. Van

Dongen affirme ici un style plus personnel, qui tient à distance les influences de ses puissants aînés : lui qui assiste au Bateau-Lavoir à la création des Demoiselles d’Avignon, en 1907, ne suivra pas plus la voie du cubisme. Il s’inscrit dans le courant expressionniste de la Mittel Europa, comme le confirme en 1908 son invitation par les peintres de Die Brücke à la Sécession de Berlin, et par les Russes de La Toison d’or, à Moscou.