Acquisition d'un tableau de François Bonvin

François Bonvin, Nature morte au potiron

François Bonvin, Nature morte au potiron, crédit photo : Artcurial

François Bonvin (Paris, 1817 - Saint-Germain-en-Laye, 1887)

Nature morte au potiron

1854
Huile sur toile
46 x 38 cm
Signé et daté en bas à gauche : F. Bonvin 1854
Don de la Fondation d'entreprise du musée Fabre, 2022

Historique : Paris, Galerie Jonas ; Londres, collection Charles Sadler ; Paris, vente Sotheby’s, 19 juin 2007, n° 181 ; Paris, vente Artcurial, 9 novembre 2022, n° 247, acheté à cette vente par la Fondation d’entreprises du musée Fabre ; don de la Fondation d’entreprises au musée Fabre, 2022.

François Bonvin est un des représentants majeurs de la peinture réaliste en France au XIXe siècle. Issu d’un milieu modeste, très tôt orphelin de mère, le jeune Bonvin suit une première formation artistique à l’Ecole de dessin de Paris, de 1828 à 1830, qu’il doit bientôt arrêter pour travailler comme garçon de bureau puis typographe avant d’obtenir un petit poste à la Préfecture de police de Paris en 1839. Il reprend le chemin de l’École de dessin en 1842 puis intègre l’Académie Suisse l’année suivante. Sa curiosité artistique le pousse à s’intéresser aux peintres flamands et hollandais qu’il étudie au musée du Louvre, encouragé par le peintre François Marius Granet. Dès ses premiers tableaux, l’artiste s’inscrit pleinement dans le courant réaliste, à travers des natures mortes austères ou des scènes de genre dépeignant des intérieurs de cuisine, d’atelier ou de cabaret. Ses origines modestes et ses difficultés matérielles ne sont sans doute pas étrangères à ces choix artistiques. Les blanchisseuses, ravaudeuses, couturières ou repasseuses peuplent ses tableaux, peints avec une touche épaisse, dans des gammes de brun, de noir, de beige, animés de quelques de couleurs vives et d’effets lumineux savants. La peinture espagnole, notamment Le Jeune mendiant de Murillo (Paris, musée du Louvre), nourrit aussi son imaginaire, de même que l’exemple des Le Nain qu’il découvre grâce à Champfleury ou encore les scènes domestiques et les natures mortes de Chardin, qu’il admire dans la collection du docteur La Caze. Il se lie d’amitié avec Courbet dès 1845 à l’Académie Suisse, et l’accompagne à la brasserie Andler où il fréquente Corot, Daumier, Decamps, Champfleury et bien d’autres. Il expose pour la première fois au Salon de 1847, se consacre pleinement à la peinture à partir de 1850, et présentera ses œuvres au public jusqu’en 1880. La IIe République le soutien en le récompensant d’une médaille de troisième classe en 1849, de seconde classe en 1850-1851 et en lui passant des commandes officielles. Sous le IInd Empire, il est également favorablement perçu par l’administration, qui acquiert régulièrement ses peintures illustrant des religieuses s’occupant des plus pauvres.

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Cette peinture est un superbe exemple de nature morte dans la carrière de Bonvin. Dans une gamme extrêmement austère de bruns et de blancs, l’artiste représente un modeste coin de cuisine. Le peintre suggère adroitement la diversité des matières, bois, métal, tissu, tout en mobilisant une touche épaisse et synthétique qui donne une densité toute matérielle aux formes et une rusticité affirmée à l’image. Le jeu des plis obscurs dans le froissé du linge, les empâtements brillants et épais qui animent la surface de la cruche comme de la marmite, sont particulièrement savoureux. Mais l’élément majeur de cette composition est bien le quartier de potiron, d’un jaune lumineux. Sa forme très simple et sa surface lisse lui donnent une monumentalité particulière. La chair entamée du légume ainsi que les pépins évoquent presque une grimace expressive, au cœur de cette nature morte silencieuse. Cette atmosphère recueillie est un des aspects majeurs de la poésie de Bonvin, largement soulignée de son vivant par ses commentateurs, notamment Claude Vignon, qui louait une « peinture honnête, consciencieuse et vraie qui fait du réalisme sans fracas » (Claude Vignon, Salon de 1852, Paris, Dentu, 1852, p. 128). Cette majestueuse nature morte avoue sa dette à l’égard de la tradition séculaire du genre, et puise aussi bien dans l’exemple du bodegón espagnol, à la manière de Juan Sanchez Cotan ou de Vélasquez, que dans les peintures de Chardin.

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Grâce à la donation d’Alfred Bruyas de 1868, le musée Fabre compte déjà deux peintures de Bonvin dans ses collections. Il s’agit de compositions représentant des figures : La Lecture et surtout Au Banc des pauvres, souvenir de Bretagne, que l’artiste exposa au Salon de 1865. Le généreux don par la Fondation d’entreprises du musée Fabre de cette nature morte permet ainsi de renforcer la visibilité de François Bonvin dans les collections et de donner un plus vaste aperçu de l’amplitude de son art. Depuis quelques années, le musée s’efforce de renforcer la visibilité du mouvement réaliste dans ses collections, autour de la figure majeure de Gustave Courbet, dont le musée conserve un des plus riches ensembles en France et dans le monde, mais aussi d’Octave Tassaert, peintre de sujets sociaux misérabilistes. Le musée a ainsi fait l’acquisition du Portrait de Théophile Silvestre par Auguste Jeanron en 2010, ainsi que d’un tableau d’Adolphe Leleux, La Sortie (Paris 1848), en 2021. L’acquisition de cette nature morte est ainsi une belle occasion pour perpétuer les efforts d’Alfred Bruyas pour représenter dans les collections du musée Fabre la modernité du mouvement réaliste.

Pierre Stépanoff

Pour en savoir plus :
Gabriel P. Weisberg, Bonvin, la vie et l’œuvre, Paris, Geoffroy-Dechaume, 1979, n° 106 p. 210, repr.
Ouvrage disponible à la bibliothèque du musée Fabre